Tuesday, February 4, 2014

Cigarilleros




Février. À la terrasse d’un café rue piétonne. Mon ami et moi.

Il se lève, cigarillo à la bouche et nous demande du feu.
                Je retrouve plus mes allumettes, ils (au café) m’en avaient filé, claque les mains sur ses poches d’anorak. yeux ronds. bollardé aux pavés.

Il pousse un peu sur son écharpe en laine, capelée autour de son cou épais et remonte son bonnet.
   allume et tire sans plisser des yeux.

moi : Ça fait longtemps que j’ai pas fumé un cigarillo à la vanille.
          Ils sont bons ceux-là. Ils coûtent pas chers en plus. T’en veux un ?
          Je disais pas ça pour ça.
Il sort une petite boîte en métal, imprimée d’un paysage exotique, quasi-bucolique, entre ses doigts calleux.
          J’te le fais payer ou pas ? rigole-t-il et répète
          J’te le fais payer ou pas ? Nan, allez…tiens. Il paraît qu’il y’a pas de détergent dans ces trucs-là.

Il referme la petite boîte – vide.
   se rassied et boit le verre d’eau qu’il avait demandé avec son café
   se retourne et laisse passer devant ses yeux, les gens, le flot des rues du lundi, centre-ville
                         et me demande si ça me plaît.

          Ça me rappelle l’été.
          Ah oui, c’est fait pour ça… ça fait du bien… ça fait l’effet… si on veut bien.

Il se délecte de sa taffe avec des grands yeux censés m’enseigner.
La fumée se disperse, portée, épaisse.
           Il fait beau en plus aujourd’hui, regardez don(c).

Les angles des bâtisses nous laissent un peu de ciel (bleu). Plus que les nuages, égoïstes mais diaphanes.
Avec la nuée des conversations d’à côté, décor d’un après-midi régulier, début de semaine, avanie faible.


Puis il s’en va
                      « Bon après-midi. »
                      Les mains dans les poches, d’un pas patient
                                                                       d’un pas patient
                                                                       d’un pas patient
                                                                       d’un pas patient
                                                                       d’un pas patient


Ce soir, l’odeur du radiateur qui chauffe et, sur mes doigts, celle du cigarillo.


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Août. Mardi jacuzzi.


Moi
et les avions de LAX qui passent.
Ils se font courir après par les nuages dans la tranquillité du soir.

Un cigarillo, vanille, un dollar, dans la main gauche,
Un verre dans la main droite. Les bras sur les rebords de mon bain chaud.
Le temps se barre dans la fumée d’un Swisher Sweet à un dollar,
                                 dans l’eau, miroir qui devient noir
                                 dans les spiritueux et les liqueurs du comptoir.

Les heures et les semaines passent et les avions aussi. Moi, je suis dans le jacuzzi et je refuse d’y croire
Mais je bois quand même mon gin, je tire quand même sur mon Swisher Sweet à un dollar.

Les pleurs et gémissements très particuliers de la gamine des voisins interrompent le silence.
C’est elle quand c’est pas les clébards. Je ne l’ai jamais vu cette gamine, mais comme un ornithologue, je reconnais ces cris, stridents, saccadés, idiosyncratiques.
                Elle se tait enfin ou quitte le jardin.

Le temps n’a jamais paru aussi lent, aussi essentiel
comme l’encre d’un nouveau ruban, comme le bruit métallique, identique à chaque lettre, sur une machine à ------.

Le temps n’a jamais paru aussi lent, et le gin me fait croire que sous l’eau qui reflète le ciel foncé-cyan, il y a des alligators de la Nouvelle-Orléans.

                Dernière gorgée et dernière latte, j’ai plus que le ciel qui devient noir
                mais on ne prend rien à celui qui est à poil.